Le monde.. tourne.
Si, si, le monde tourne. C'était un fait indéniable. Pas besoin de savants calculs pour le démontrer. Il suffisait d'un peu d'alcool, et n'importe qui pouvait se rendre compte que le monde tournait.. beaucoup. Un peu trop, sûrement.
Regardez quelqu'un de saoul marcher. Prenons, par le hasard des plus fortuit, un jeune homme aux cheveux blancs, visiblement raide défoncé. Voyez ses pas, allant de droite à gauche, puis de gauche à droite, et ce pour effectuer une ligne droite. La terre tangue, mes amis. D'ailleurs, je suis encore étonné de ne pas avoir trouvé d'humain souffrant d'un quelconque mal de Terre. Vous me direz bien « Mais ils sont humains, et vivent sur Terre, comment pourraient-ils avoir le mal de Terre ? ». Ceci est une excellente question, mais tellement naïve. Il existe bien des humains allergiques au lait, alors que, je vous le dit – pas tant moi que mes parents, d'ailleurs – , le lait, c'est bon pour les os. Et puis, les poissons étant eux même parfois victimes de mal de mer, les humains ne doivent pas en être épargnés. Et là, vous me direz que je ne raconte que des conneries et que les poissons n'ont pas le mal de mer, mais comme vous ne parlez pas poisson, vous ne pouvez pas affirmer le contraire, et vous l'avez bien là où je pense. - Dans l'oreille, par le fait.

La grande question, c'était pourquoi. Pourquoi la Terre tourne. - Remarquez que ce n'est pas tant la Grande question, puisque nous savons que la Grande réponse est 42. Or, si on demande pourquoi la Terre tourne, la réponse 42 n'y conviendrait guère. -
La relativement grande question, donc, était : « Pourquoi la Terre tourne ? » Et, à ceci, je n'ai que quelques suppositions. Par exemple, elle pourrait avoir une relation compliquée avec le Soleil, et celui-ci, ayant des photos compromettantes sur elle, la forcerait à tourner en rond, pour ses goûts personnels. Eeeh. Maiiis. Ici, on était pas sur la Terre. On était sur.. sur.. sur Aslways ! Mais il tournait aussi, hein. Bien sûr, qu'il tournait. Il devait tourner. Il était obligé de tourner, parce qu'ici aussi, le même garçon aux cheveux blancs, lorsqu'il était bourré, ne marchait pas droit. - Ceci étant la preuve ultime, vous ne pouvez pas me contredire.

Les meubles se rebellaient, aussi, dans le sombre bar. C'était en tout cas ce que pouvait constater le démon. Ils se révoltaient contre la rotation de la terre, et tournaient eux même dans un autre sens. Et ça foutait un gros, gros bordel dans la tête du sorcier. Lui qui essayait désespérément de suivre le trajet de son verre, le voilà qu'il s'était démultiplié et qu'il le narguait. De plus, pour ne pas le renverser, il ne devait pas faire de grand gestes. Alors il tâtonnait, doucement, presque précautionneusement – mais, bourré.. –, pour essayer d'attraper cette foutue boisson.
Mais c'était peut-être lui-même qui s'empêchait de l'atteindre. Ce verre de trop.

Il fallait dire qu'il avait un peu abusé des substances, cet après midi. Il finirait vraiment dans un sale état. Ça avait commencé par un simple verre, sur le coup des deux ou trois heures de l'après midi. Et, une chose en entrainant une autre, il avait fini dans un bar, tout juste conscient de ce qu'il se passait. Et conscient, c'était peut-être une exagération. Il ne riait même plus. Remarquez, il était dans le même état mental que quelqu'un riant. Disons qu'il n'en avait plus la capacité physique.
Mais il était encore loin de ce que l'on pourrait appeler un bad trip. Non, les drogues étaient bien trop présentes. Il était toujours euphorique. Cette sorte de sourire amorphe qu'il pouvait extérioriser en était bien la preuve. Mais, à quoi bon se contenter de le regarder, amorphe, alors que je possède le divin pouvoir de savoir ce à quoi il pense ?

Lumières..
Pourquoi les lumières étaient blanches ? Pourquoi la lumière ne pouvait être noir ? Un noir lumineux serait un noir qui, luisant, à la manière d'une lueur externe pour les amateurs de photoshop, emmétrait une lueur noire sur ce qui l'entourait. Mais, si quelqu'un voyait ça, il serait foutu de dire que c'est un noir ténébreux qui absorbe la lumière. Alors que non, il ne fait qu'emmètre la sienne, aussi noire soit-elle.
Enfin, là n'était pas le problème. Ce que je voulais savoir, c'était pourquoi les lumières étaient si attirantes ? A jouer avec
la taille de nos pupilles, elles nous captivaient, nous envoutaient, comme de vulgaires papaillons de nuit. Que dis-je, vulgaire. Ça restait des papaillons. Et, un papaillon ne peut être vulgaire. D'ailleurs, à l'instar de ces merveilleux insectes, l'homme était attiré par la lumière. Par contre, ils n'allaient pas la voir pour leur voler autour. - Oui, bon, voler n'est qu'une image, je sais très bien que les ailes des humains sont trop atrophiées pour leur permettre de voler, ça va ! - Peut-être avaient-il honte de ressembler à des bêtes. Après tout, n'était-ce pas une insulte, pour les humains, que de se faire traiter de bête ? C'était peut-être aussi par peur. Le sexe, la drogue, tout ce qui pouvait faire du bien, il fallait s'en méfier. Bouh, de la lumière, et si c'était un piège ?

Considérant le verre hors d'atteinte, le démon laissa son bras retomber, main ballante, du côté réservé au personnel. Cette même pensée le fit rire. Comme un camé riant seul, dans un délire, avec le semblant d'énergie qui lui restait. - Comment ça, c'était le cas ? -
De l'autre côté du bar, c'était interdit aux clients. Mais si il n'y avait que la main du client, qu'allaient-ils faire ? La trancher ? Y avait-il une sorte de guillotine, monstrueuse, ancrée dans le
plafond, qui attendait qu'une pauvre créature innocente – ici Nezu, aha – dépasse malheureusement du bar, enclenchant par mégarde un mécanisme en frôlant un fil invisible, pour s'abattre au sol ? Naaan, ce serait trop dangereux pour les serveurs, ça. Quoique ça pourrait être amusant de voir les barman faire de grands gestes pour éviter cette fameuse corde invisible.
Son rire avait peut-être trahi son état, où bien était-ce le fait qu'il n'arrive toujours pas à boire son verre depuis maintenant une bonne heure – ce qui aurait pu le faire un peu décuver, mais non –, affalé sur le bar, mais un.. quelque chose s'était approché de lui. L'unique question que se posait le démon sur ce surprenant jeune homme, c'était de savoir ce qu'il essayait de dire depuis deux minutes. Peut-être se foutait-il de sa gueule d'ivrogne abattu. Peut-être en était-il un lui-même. Quoiqu'il en soit, c'était pas gentil de frapper un homme à terre. - Même si la terre se trouvait être le comptoir, de toute manière, il est ancré sur le sol, et directement à la Terre. C'était prouvé, parce que lui aussi tournait. -

Franchement ? Je n'ai jamais su ce que voulait ce gars.

Demain, quand il se réveillerait, sans savoir où, sans savoir comment il y était parvenu, ça deviendrait vraiment amusant. Il serait d'une humeur de chien. Peut-être même, avec un peu de chance, triste, ou en colère. C'était toujours amusant, de se découvrir des sentiments. Dire que les gens normaux haïssaient ça, et redoutaient les bad trips. Nezu, non. C'était amusant, pour lui, de se découvrir des sentiments qu'il ne ressentait pas, habituellement.
Il aurait pu passer sa nuit ici, à moitié dans le coma,
si....